Il en porte le nom, mais ce n’est pas du papier ! D’ailleurs, il est plus juste de parler de feuille d’aluminium.
Arrivé à la fin des années 1920 aux États-Unis, puis au milieu des années 1930 en Europe, le papier d'aluminium a rapidement séduit tous les foyers par la multiplicité de ses utilisations, ses performances thermiques et ses qualités hygiéniques.
On l’utilise bien évidemment à la cuisine pour emballer, conserver, protéger et cuire. Mais ce n’est pas tout ! On peut aussi s’en servir pour la décoration, comme réflecteur de chaleur, en guise d'épouvantail, dans la construction, les transports, l’électroménager, les équipements électriques et électroniques, la machinerie, l’imprimerie et pour des utilisations médicales.
De la bauxite à la feuille d’aluminium
Après l'oxygène et le silicium, l'aluminium est le troisième élément le plus abondant de l'écorce terrestre, issu du raffinage de la bauxite. De ce minerai, on obtient d’abord l'alumine, du pur oxyde d'aluminium. Puis, en faisant traverser un courant électrique dans l’alumine, on produit l'aluminium métal. C’est ce qu’on appelle la réduction électrolytique.
Pour fabriquer la feuille d’aluminium, on fait passer des plaques plusieurs fois au laminoir.
Il existe pour cela deux méthodes :
La première consiste en deux laminages successifs. D’abord celui des lingots chauffés, qui permet d’obtenir des bobines de 2 à 4 mm d'épaisseur. Puis un second laminage à froid qui permet d’obtenir les feuilles d’aluminium définitives dont l’épaisseur requise par la norme ISO se situe entre 0,006 et 0,2 mm. Plus épais, cela sera une plaque d’aluminium ou une tôle.
La seconde méthode permet de transformer le métal fondu directement en une bande épaisse, elle-même laminée en bobine, à partir de laquelle la feuille d’aluminium est laminée. On évite ainsi l’étape du lingot.
Et vous étiez-vous déjà demandé d’où provenait cette différence entre les deux côtés du papier d’aluminium, l’un brillant et l’autre mat ? Voici l’explication : pour éviter d’abîmer les feuilles les plus minces, on les passe par deux entre les rouleaux. Résultat, le côté qui faisait face au rouleau ressort brillant et celui qui était face à l’autre feuille d’aluminium se retrouve satiné.
Une fois les deux feuilles séparées, les grands rouleaux de feuille d’aluminium sont découpés selon leur usage final : feuilles isolantes, aluminium ménager, échangeur de chaleur, emballage, conteneur, operculage…
Le papier alu et toutes ses vertus
Voilà un CV parfait, n’est-ce pas ?
Ainsi se termine notre série sur les papiers éphémères…
Cécile Douay
Également appelé papier sablé au Québec, cet incontournable de l’établi du bricoleur permet de préparer les surfaces - en bois, en métal ou en pierre - en vue de les peindre, de leur appliquer un revêtement, de les coller, de les assembler, ou d’en assurer les finitions.
En fonction de la surface à poncer et du travail à réaliser, on utilisera un abrasif composé de grains décapants spécifiques et de tailles différentes.
Du naturel à l’industriel
Le ponçage fut pratiqué dès l’Antiquité égyptienne à l’aide d’objets rugueux comme la pierre. Et de tous temps, on réalisa le polissage du bois avec des substances granuleuses telles que la diatomite, la pierre ponce ou le charbon de bois.
Les Romains adoptèrent quant à eux la peau rugueuse de la raie, tandis qu’en Nouvelle-Zélande, en Polynésie et chez les Chumash du sud californien, on utilisait la peau de requin ou de chien de mer. Pendant longtemps, les Européens et les Japonais polirent avec de la prêle d’hiver, une plante contenant de la silice en grande quantité. En Amérique du Nord, les Hopis de l’Arizona préféraient des morceaux de grès, et cela jusqu’au XXe siècle.
L’ancêtre du papier de verre est apparu en Chine au XIIIe siècle. Il consistait en un parchemin sur lequel des fragments de coquillages, de graines ou de sable étaient collés à l'aide d’une gomme naturelle.
La production industrielle de papier de verre commença en Angleterre au XIXe siècle. Un procédé de fabrication à partir de sable fut breveté aux États-Unis en 1834 par Isaac Fischer.
En 1916, la société 3M (Minnesota Mining & Manufacturing) - fondée à l’origine en 1902 pour exploiter une mine de minéral supposé idéal pour la fabrication de papier de verre et de meules - met au point un papier de verre imperméable, réduisant les poussières et dont la première utilisation fut dédiée à la finition des peintures automobiles.
La fabrication du papier de verre
Des plus fins aux plus grossiers, les papiers de verre sont tous fabriqués de la même manière. Sur la surface d’un papier ou d’un tissu, sont collées différentes particules abrasives en fonction de l’utilisation :
L’efficacité d’abrasion dépendra de différents critères : la taille des cristaux, la longévité du tranchant, la rapidité d’encrassement, la résistance du liant.
Seulement pour le bricolage ?
Détourné de son utilisation primaire, le papier de verre sait se faire artistique : utilisé comme support de peinture par Joan Miró ou comme instrument de musique par Leroy Anderson.
Et vous, auriez-vous d’autres idées d’utilisation originale du papier de verre ?
Cécile Douay
Passons de l’école à la fête, car le papier sait aussi s’amuser !
En ces temps de carnaval, il est bon de rappeler que le papier est un support de rêve pour la réalisation de masques et de grosses têtes de carnaval, la décoration de chars… Le papier crépon, plissé et extensible, quant à lui est idéal pour la confection des déguisements, et tout cela pour un coût dérisoire !
Au carnaval, on s’adonne à des batailles de confettis, de serpentins, de billes de sarbacane. Sur les tables, trônent les lampions, les nappes en papier, les assiettes et les verres en carton.
En ce jour qui fait la part belle à toutes les excentricités, on ira jusqu’à brûler Sa Majesté Carnaval en papier, puisqu’il renaîtra de ses cendres. Et le lendemain, tous ces papiers seront ramassés, balayés, jetés… Papiers éphémères s’il en est !
Le confetti, roi du carnaval !
Imagineriez-vous un carnaval sans la pluie colorée des confettis ?
Les premiers furent utilisés au Casino de Paris en 1891, sur une idée de Monsieur Lué son administrateur, qui utilisa alors des chutes de papier.
Leur utilisation fut popularisée dès 1892 à l’occasion de mardi gras, aux bals de l’Opéra. Le confetti en papier fut alors considéré comme une heureuse innovation, remplaçant son ancêtre peu apprécié : de petites dragées en plâtre et terre glaise, dont il fallait se protéger le visage et les costumes. Les gens, conquis par ces nuées de papillons blancs (les premiers confettis étaient blancs), adoptèrent définitivement le confetti en papier.
La fureur du confetti
Son utilisation fut ainsi reprise à la mi-carême, puis en force les années suivantes… un nouveau débouché pour les papetiers était né !
Pour la fabrication industrielle des confettis, on utilisait des emporte-pièces qui tranchaient dans quarante ou cinquante épaisseurs de papier. On se servait de rognure et si l'on en manquait, on prenait du papier à 50 francs les 100 kilos !
Fabriqué en très grande quantité, le confetti parisien gagna rapidement la province, puis toute la France et le monde entier. Pour satisfaire les besoins de l’exportation, des confettis colorés et même dorés furent fabriqués.
A Paris, en un jour, il se serait vendu 20 000 kilos de confettis, soit 80 000 sacs ! Les confettis étant difficiles à trouver, les prix s’envolaient !
A la mi-Carême de 1895, selon Le Petit Journal, « on ne songeait qu'à se lancer des confettis par poignées ; le sol en était jonché à ce point qu'on enfonçait dedans jusqu'aux chevilles ». Au mardi gras de 1902, « l'eau de la Seine à la sortie des égouts parisiens, à Clichy, se métamorphosait subitement en une immense banquise multicolore ».
Et pourtant, dès 1892, La Préfecture de police de Paris interdit la vente et la projection de confettis dans les fêtes publiques – exception faite du carnaval.
A cela, les fabricants de papier répondirent par une pétition demandant l’autorisation de vente de confettis dans les fêtes foraines. Sans succès.
En 1900, le mot « confettiste » apparaissait, désignant celui qui lance des confettis. Il ne sera utilisé qu’une dizaine d'années.
A cette époque, le confetti faisait vivre plusieurs milliers de personnes très modestes à Paris. Il fallait donc en considérer l’aspect social. Le Conseiller de Paris déclarait d‘ailleurs en 1903 : « Il y a 5 860 petits commerçants et ouvriers employés à la fabrication des confettis. Supprimer les confettis, c'est vouer toute cette intéressante population à la misère ».
Auriez-vous pensé que de si petits bouts de papier avaient soulevé autant de passion et de controverses ?
Cécile Douay
S’il existe un lieu où le papier est roi, c’est bien l’école : du cahier de texte au papier buvard, en passant par le répertoire et les copies simples ou doubles, à petits ou grands carreaux. Du papier millimétré au papier calque, en passant par le carnet de croquis et les cahiers piqûres ou à spirales…
Qui n’a pas un souvenir ému de ses cahiers d’école, où l’on commençait à écrire à partir de marge, où la plume s’accrochait parfois dans le papier, dérapait et laissait des pâtés… que l’on tentait de rattraper tant bien que mal.
La fabrication d’un cahier d’écolier
Comment un cahier d’école est-il fabriqué ? Chez Clairefontaine, les chiffres sont impressionnants : 1 000 mètres de papier fabriqués à la minute, 30 000 tonnes de papier par an utilisés pour la confection des cahiers, 120 000 cahiers produits par jour sur 8 lignes de production, 200 personnes dédiées au façonnage et à la finition, 1 300 références différentes !
L’usine d’Etival dans les Vosges, qui s’étend sur 40 hectares, est installée depuis ses origines sur un bras artificiel de la Meurthe, d’où elle prélève 10 000 m3 d'eau chaque jour !
De la pâte à papier au cahier d’écolier
A l’origine des cahiers d’écolier : une quarantaine de pâtes à papier différentes, fabriquées à partir de copeaux de bois et provenant du monde entier. Parmi elles, on trouve des pâtes issues de résineux scandinaves, mais aussi d'eucalyptus brésiliens. Ce mélange de feuillus et de résineux, recouvert d'un satinage spécial, produira le fameux papier vélin velouté de 90g/m² que Clairefontaine fabrique depuis sa création en 1951. Des charges minérales et de l'amidon sont également ajoutés afin de donner de l'opacité ou de l'éclat à certaines feuilles.
Première étape, les pâtes à papier (qui représenteront la moitié du prix d'un cahier) sont mélangées à l'eau dans un pulpeur. Des lames métalliques en rotation y séparent les fibres de cellulose les unes des autres. Tout l’art du fabricant est dans le mélange et le dosage des différentes pâtes, afin d’obtenir les propriétés souhaitées pour le papier.
Puis, la pâte à papier est projetée sur une toile en mouvement. Dans la machine à papier, l’humidité de la pâte va être ramenée de 99% à 6%, tournant à 60 km/h entre des cylindres d'acier.
La feuille de papier, qui mesure alors 3,40 mètres de large, est ensuite pressée et séchée entre des cylindres chauffés à la vapeur.
Débarrassée de son eau, la feuille est enroulée en moins d’une demi-heure autour d'un mandrin d'acier, produisant une bobine de 8 tonnes ! Cette « bobine mère » est ensuite découpée en plusieurs « bobines filles » de tailles différentes en fonction du type de cahier à fabriquer.
Place maintenant au façonnage des cahiers. Sur les lignes de production, les « bobines filles » de plusieurs tonnes sont déplacées grâce à un système de cales et de treuils.
La réglure est imprimée à l'encre violette, les carreaux, les marges… Les feuilles sont coupées, perforées, les cahiers sont formés, agrafés ou spiralés et reçoivent enfin leur couverture, pelliculée afin de la protéger de la pluie.
Pour respecter la culture de chaque pays, le papetier adapte le grammage, l’aspect et le nombre de pages de ses cahiers, n’hésitant pas à créer des gammes spécifiques pour chaque destination.
D’ailleurs, connaissez-vous la gamme des cahiers en papier recyclé Forever de Clairefontaine vendus sur la boutique de Mille et Une Feuilles ?
Cécile Douay
Ce délicat papier ne s’associe qu’aux choses précieuses.
Protection qui se doit d’être elle-même protégée, le papier de soie s’emploie comme faire-valoir des objets de valeur : en doublure d’une luxueuse enveloppe en vélin, glissé entre le bouquet de fleurs et le papier cristal, enveloppant dans leur boîte de beaux souliers, une bonne bouteille de vin ou de la vaisselle fragile…
En voilà des manières, pour ce papier qui souhaite mettre en valeur sans prendre le risque de s’exposer vraiment, vous ne trouvez pas ?!
Papier en vogue s’il en est, il est également prisé dans les parfumeries, dans les boutiques de lingerie fine et dans tous les magasins de luxe où on l’utilise pour emballer avec distinction les produits.
Le papier cadeau seconde peau
Le papier de soie, à travers le cérémonial qu’il offre à l’ouverture du paquet, possède une valeur aussi importante que le cadeau lui-même. Comme dans un strip-tease, il s’effeuille, jouant avec la semi-transparence, la souplesse, la légèreté. Il se retire comme on enlèverait une seconde peau toute douce, laissant découvrir peu à peu, la forme, puis la couleur, puis la matière…
Le déballage se fait moment intime, le papier de soie soulignant qu’il s’agit d’un cadeau choisi avec le cœur.
Un papier fin de haute qualité
Autrefois fabriqué avec de la pâte de chiffons, le papier de soie est désormais fait avec de la pâte de bois chimique de très bonne qualité. Son grammage peut aller de 15 à 30 g/m².
S’il n’était auparavant produit qu’en blanc et en écru, on en trouve aujourd’hui de toutes les couleurs afin de satisfaire toutes nos envies de création et d’art décoratif. Aussi, sa coloration est prévue pour résister à l’eau et à la lumière. En effet, que dirait-on d’un papier cadeau défraîchi ou auréolé ?
Quant au papier de soie destiné à emballer les oranges, on y ajoute du talc à la fabrication afin d’empêcher les moisissures.
Papier d’orange
Entre 1900 et 1910, on fabriquait des papiers d’orange pour protéger les fruits lors du transport. Ensuite, quand les techniques de conservation se sont améliorées, le papier fut davantage utilisé comme support publicitaire. Illustrations artistiques et graphiques permettaient de se démarquer de la concurrence ; elles font désormais la joie des collectionneurs. De nos jours, alors qu’il est rare de voir des oranges emballées, il suffit d’en trouver quelques unes dans la cagette pour avoir l’impression de fruits de qualité.
Peut-être avez-vous envie maintenant de découvrir le papier de soie dans la boutique de Mille et Une Feuilles ?
Cécile Douay
Les premiers papiers peints, rapportés de Chine et du Japon au XVIe siècle par des missionnaires espagnols et hollandais, étaient faits de moelle ou de pelure de bambous, enluminés au pinceau par des artistes. Leur rareté fit leur succès. Et il faut dire qu’à cette époque, ils proposaient une alternative bienvenue aux tapisseries et tentures murales.
En France, ce sont les dominotiers - les fabricants de papiers qui recouvraient les coffres et les plateaux de jeux de société - qui prirent en charge la production du papier peint.
Comme on pose un carrelage, on collait sur les murs des feuilles appelées « dominos ». C’est Monsieur Lefrançois, un dominotier de Rouen, qui inventa des modèles à raccorder pour créer des décors, le papier étant imprimé feuille par feuille. Puis l’alsacien Fournier pensa à les coller les unes aux autres, formant des rouleaux de huit mètres de long. Les motifs, quant à eux, étaient peints au pochoir.
Ainsi naquit l’industrie du papier peint en 1630, et avec elle un vrai phénomène de mode.
Le secteur se développa encore en 1688 grâce à Monsieur Réveillon, qui introduisit l’utilisation des planches à graver en bois, que l’on enduisait de couleurs avant de les presser sur le papier. Les décorations, dans un second temps, étaient rehaussées au pinceau, et l’on conserva le nom de « papier peint ». Les rouleaux pouvaient alors atteindre 10 mètres de long.
Grâce à la manufacture Zuber à Rixheim en Alsace, fondée après à la Révolution Française, la France demeura l'un des plus grands producteurs de papier peint en Europe jusqu'à la fin du XIXe siècle. Elle reste aujourd’hui la seule usine dans le monde à fabriquer des papiers peints à la planche, à partir de modèles originaux gravés aux XVIIIe et XIXe siècles.
A partir de 1840, avec l’arrivée de la machine à papier et de nouveaux procédés d’impression au rouleau, le papier peint se démocratise. Les évolutions suivantes seront essentiellement technologiques et esthétiques.
Tout un monde de créativité et d’innovation
A chaque époque, les papiers peints reflètent l’humeur du temps, les tendances graphiques, les types socioculturels.
Ainsi, on ne peut parler de papier peint sans évoquer la fameuse toile de Jouy, inspirée des tissus fabriqués par la Manufacture de Jouy en Josas. Créé en 1760, toujours autant prisé, ce papier peint relate des scènes de chasse, des scènes mythologiques, des tableaux descriptifs, comme des pastorales ou des chinoiseries, ou encore des motifs naturels (fleurs, feuilles, oiseaux…).
Parmi les créations illustres, citons également :
Jadis, si le papier peint (constitué de… papier) portait bien son nom, on ne peut plus en dire autant aujourd’hui, vu les multiples matières qui entrent désormais dans sa fabrication. Papier intissé en fibres textiles, papier velouté, papier floqué, papier bicouche, papier vinyle ou vinyle expansé en PVC, papier peint magnétique… Chaque pièce de la maison peut désormais recevoir son papier peint, tout comme les murs les plus abîmés.
Toutes les excentricités décoratives sont également possibles grâce à un large choix de couleurs et de motifs. Dépassées les fleurs du début du 20e siècle et les motifs psychédéliques des seventies ? Qu’à cela ne tienne, le papier peint renaît actuellement de ses cendres, grâce à des papiers texturés, panoramiques, personnalisables et bien plus « fun » qu’avant, surtout pour les chambres d’enfants.
Et vous, vous êtes plutôt papier peint ou peinture ?
Cécile Douay
Le caractère éphémère de celui-ci n’échappera à personne !
Auriez-vous cru que ce sont les Chinois qui l’inventèrent, dès le Ve siècle ? Au XIVe siècle, il était fabriqué pour l’Empereur et sa Cour.
Pendant ce temps, en Europe et aux États-Unis, les pratiques étaient bien différentes : cailloux, herbes, végétaux, laine, dentelle, chanvre, coton et même animaux, selon sa classe sociale… jusqu’à ce que l’utilisation du papier journal se généralise aux XVIIIe et XIXe siècles.
A son tour décrié à cause des encres chimiques dangereuses pour l’hygiène intime, le papier journal fut remplacé vers 1950 par le papier hygiénique. En fait, il fut inventé au milieu des années 1800 par l’Américain Joseph Cayetti, mais les premiers rouleaux n’entrèrent pas si tôt dans les maisons.
En France, le premier papier hygiénique, dit « bulle corde lisse » pour sa couleur de corde, a été utilisé entre 1950 et 1970. Peut-être rappellera-t-il à certains quelques souvenirs … irritants !
Fabriqué à partir de sacs de toile ou d’espadrilles, il n’était pas spécialement reconnu pour sa douceur extrême. Aujourd’hui, il est encore présent dans de nombreux pays, où il est fabriqué à partir de cartons et de journaux. En France, on en trouverait encore quelques vestiges dans les toilettes de la SNCF.
A la fin des années 1950, est arrivé le « papier crêpé », favorisé par l’apparition de la chasse d’eau, les nouvelles exigences en matière d’hygiène et les progrès de l’industrie papetière.
La ouate de cellulose fut enfin utilisée à partir des années 1970-1980, pour le plus grand plaisir de nos fessiers et de … nos envies de déco !
Car, raffinement suprême en Europe, vous aurez remarqué qu’il est aujourd’hui possible d’assortir la couleur de son papier hygiénique à celle de son papier peint ou du battant de la cuvette … en France, on peut trouver plus de 10 coloris !
Aux États-Unis, où l’on préfère se maintenir au blanc, les petits caprices des consommateurs se portent davantage sur l’utilisation de parfums variés.
Si l’on voit apparaître sur le marché une diversification des couleurs, des parfums, des ondulations, des motifs, des textures, du nombre de plis et des traitements médicamenteux comme à l’aloès, les principaux défis des industriels se portent sur l’amélioration des capacités absorbantes, de la résistance et de la douceur du papier.
Pour ce faire, ils ont mis au point un système de séchage différent des traditionnelles machines à papier : un dispositif souffle de l’air chaud au travers de la feuille, ce qui permet de gonfler le papier et de lui donner davantage de bouffant.
Papier de faible grammage (environ 17 g/m²), la ouate est aujourd’hui de plus en plus élaborée à partir de pâte recyclée - tandis que l’on peut déplorer les effets néfastes sur l’environnement du blanchiment au chlore. Le parfum, lui, n’est pas déposé sur les feuilles mais sur le rouleau.
Le papier hygiénique sort d’immenses machines ayant une capacité de production de 2 000 mètres de papier à la minute, pour être enroulé sur des bobines géantes. Il est ensuite embobiné sur des cylindres du diamètre que nous connaissons, avant d’être découpé en petits rouleaux.
Les chiffres sont impressionnants : 3,2 milliards de paquets ou de rouleaux de papier hygiénique sont consommés chaque année en France, soit environ 55 unités par personne. Ceci représente 290 000 tonnes de papier !
Pour davantage d’hygiène et éviter certains désagréments liés à l’irritation provoquée par le papier, certains prônent l’utilisation du jet d’eau, comme on le fait dans certains pays d’Asie.
Et vous, seriez-vous prêt à troquer votre joli papier ouaté vert contre l’agréable petit jet d’eau ?
Cécile Douay
Si je vous dis « benjoin du Laos » ?
Ou … « papier aux vertus antiseptiques et assainissantes » ?
Et… « petit carnet vert et jaune » ?
Oui, il s’agit bien du papier d’Arménie !
Son succès ne se dément pas depuis la démonstration réalisée lors de l’exposition universelle de Paris en 1889, qui convainquit le monde entier. Deux morceaux de viande furent placés sous deux cloches. Dans l’une, on fit brûler du papier d’Arménie. Au bout d’une semaine, la viande placée sous celle-ci était toujours bonne à consommer…
Une invention française
C’est un Français, Auguste Ponsot, qui est à l’origine de la création du papier d’Arménie. En 1885, de retour d’un voyage en Arménie, il rapporta de la résine de benjoin, un encens que l’on brûlait là-bas pour désinfecter et parfumer les maisons.
Avec Henri Rivier, pharmacien de son état – et qui sait, aïeul de Stéphanie (?!), il mirent au point une odeur aussi puissante que purifiante, en mélangeant dans de l’alcool à 90° du benjoin à d’autres substances - toujours tenues secrètes.
Ils imbibèrent du papier buvard avec cette solution aromatique… le papier d’Arménie était né !
Tradition, naturel et simplicité
Tout le charme du papier d’Arménie réside dans son parfum particulier, et plutôt agréable, qui peut évoquer pour certains la nostalgie du passé.
A l’heure où l’on dénonce les parfums de synthèse et toxiques, il séduit par son caractère écologique et naturel, mais aussi par sa simplicité d’utilisation. Pliez-le en accordéon et faites le brûler, il se consumera lentement et sans flamme.
Le papier d’Arménie incarne de nos jours un art de vivre et le bon goût, des convictions hygiéniques et écologiques.
Une fabrication artisanale de 6 mois
Depuis toujours, il s’agit de la même recette de fabrication, du parfum jusqu’à la couverture verte et jaune du petit carnet. Et du même atelier de production à Montrouge près de Paris où œuvrent 8 personnes.
Tout commence avec la résine de styrax, un arbre qui pousse notamment au Laos et qui peut atteindre 20 mètres de haut. Cette résine est dotée de propriétés antiseptiques grâce à l’acide benzoïque qu’elle contient.
Elle est mise à macérer durant 2 mois dans de l’alcool à 90°. On y ajoute ensuite 7 à 8 ingrédients aromatiques pour former une solution parfumée.
Le papier, quant à lui, n’est plus un simple buvard. Il est fabriqué et imprimé en Allemagne à partir d’une fibre d’origine naturelle. Il est conçu pour résister aux mouillages successifs et fixer les essences dans ses fibres. Il est certifié FSC.
Arrivé à l’atelier, il est trempé à la main dans deux bains : le bain parfumé, qui donne au papier sa couleur acajou et le bain de sels composé d’une solution saline naturelle, qui permettra la combustion lente de la feuille.
Après le séchage, qui s’effectue dans des appareils en fonte datant du début du 20e siècle, les feuilles sont mises sous presse pendant 1 mois.
Au bout d’un parcours de 6 mois, elle sont prêtes à être perforées, découpées et assemblées. Grâce à la mécanisation récente du brochage, la production a pu être augmentée, afin de répondre à la demande grandissante de ce fameux petit carnet.
Laisser brûler les p'tits papiers, papier de riz ou d'Arménie …
Cécile Douay
Il évoque la nostalgie du temps des dactylos et le charme des écrivains qui tapent à la machine à écrire pour démêler sur papier leurs intrigues de polar ou donner vie à leurs héroïnes de roman.
C’est LE papier vintage de notre série consacrée aux papiers éphémères, c’est le papier carbone.
Une brève heure de gloire
Breveté en 1806 par l'ingénieur anglais Ralph Wedgwood, il libéra les copistes et employés aux écritures de leur fastidieux labeur et révolutionna l’administration en permettant la reproduction, et aussi la conservation, des lettres, des procès verbaux et des documents comptables.
Son heure de gloire fut brève mais certaine, lorsque l’utilisation de la machine à écrire se généralisa au XXe siècle.
L’utilisation de la feuille de papier carbone consiste à la placer entre deux feuilles, l’une au-dessus pour écrire ou dessiner, l’autre en-dessous pour recevoir la transcription par transfert de l’encre, sous la pression du stylo ou de la frappe. Utilisé à la main, il demande une écriture délicate, régulière et appuyée.
On s’en servait quand il s’agissait de ne reproduire que quelques exemplaires, tandis que la duplication en plus grande série se faisait par l’intermédiaire du duplicateur rotatif et des stencils de David Gestetner.
A son tour, le papier carbone fut détrôné par l’arsenal technologique des logiciels de mise en page, ordinateurs, photocopieurs, scanners, fax et imprimantes.
Une feuille fine et encrée
Le choix du grammage du papier carbone dépendait du nombre de copies à effectuer : des plus fins de 9 g/m² qui permettaient de réaliser jusqu’à 25 copies d’une seule frappe, aux plus épais de 30 à 40 g/m² que l’on pouvait utiliser plus longtemps.
Le papier carbone moderne se constitue d’un film plastique plus durable, mais autrefois il était fait d’un papier pelure de grande qualité fabriqué à base de chiffons ou de chanvre, sans ajout de colle. Il devait être résistant aux frappes répétées et parfaitement lisse, sans trou ni piqûre.
A la fabrication, l’encrage de la feuille se faisait à l’aide d’un dispositif composé de cylindres chauffés tournant dans un récipient contenant l’encre à carbone fondue et déposant une fine couche cireuse sur une des faces du papier. Une autre série de cylindres clôturait le processus en rendant la surface lisse et brillante.
Le noir de fumée fut la première matière utilisée pour colorer la cire, d’où l’appellation « carbone ». Ensuite, on préféra le bleu de Prusse et des dérivés de l’aniline.
A la fin des années 1960, les encres à base de cires furent remplacées par des encres à base de résines, dont l'avantage est de faire durer plus longtemps le papier grâce au phénomène de « régénération » - la zone du papier déjà utilisée étant réencrée par migration de l’encre à travers la résine.
Le papier carbone… qui prétend n’avoir jamais tenté de l’utiliser pour recopier ses lignes de punition ?!
Cécile Douay
A peine est-il lu qu’il devient obsolète. Au café ou au restaurant, peut-être aura-t-il la chance d’être épluché par plusieurs férus d’actualités. Mais dès le lendemain, il aura perdu toute sa valeur.
Pourtant, ce papier à l’utilisation primaire indéniablement brève, est-il si éphémère que cela ?
Car le papier journal est …
… le papier recyclable par excellence
On l’utilisera avantageusement pour se protéger du soleil, de la pluie ou même du froid, pour allumer un feu de cheminée, emballer de la vaisselle dans des cartons de déménagement ou recouvrir le sol pendant des travaux de peinture, héler un taxi avec élégance ou s’en servir de signe de reconnaissance pour un premier rendez-vous, recueillir des fruits, des frites ou des chichis, et même, comme le faisaient nos aïeux, en guise de papier hygiénique.
Voyez là toute l’humilité dont doivent faire preuve les journalistes de presse écrite, qui contrairement aux écrivains, ne verront jamais leur prose traverser les siècles… en tout cas pas sur du papier journal, programmé à jaunir rapidement et non conçu pour être préservé longtemps - la lignine du bois, exposée à la lumière, rendant le papier cassant.
Collecté et désencré, le papier journal permettra à son tour de produire une pâte de récupération pour la fabrication d’un nouveau papier journal. Sans ce recyclage, l’impression d’un quotidien à fort tirage imposerait l’abattage journalier d’une dizaine de milliers d’arbres... Aujourd’hui, la moitié de la pâte à papier nécessaire pour la production des journaux européens provient du recyclage de vieux papiers, cartons et déchets industriels.
Un papier conçu pour les grandes cadences de production
Pour répondre à la boulimie des imprimeries de journaux, où les rotatives tournent à 50 000 tours par heure, le papier doit à la fois être résistant et de fabrication rapide.
Ainsi, 95 % des composants du bois de résineux choisis pour fabriquer la pâte à papier sont simplement râpés, sans aucun traitement des fibres. De cette façon, il est possible de dépasser la vitesse exceptionnelle de 60 kilomètres de papier fabriqués par heure, sur 5 à 10 mètres de large.
Les imprimeurs reçoivent des bobines contenant jusqu’à 20 kilomètres de papier au grammage situé entre 40 et 52 g/m² et dont le poids peut dépasser 1 tonne.
Très poreux, le papier journal est un papier non couché, qui absorbera facilement les encres spéciales à séchage accéléré.
Ce procédé de fabrication du papier journal à l’échelle industrielle a été mis au point à la fin du XIXe siècle, quand l’essor de la presse écrite est encouragé par les progrès techniques tels que l’invention de la presse rotative en 1860.
De 1600 à nos jours
Les premiers journaux d’actualités sont apparus en Allemagne et aux Pays Bas autour de 1600, en édition très limitée. En France, c’est « La Gazette » de Théophraste Renaudot qui marqua en 1631 l’avènement de la presse écrite périodique.
En 1800, le tirage des quotidiens parisiens était de 36 000. En 1870, il atteignait un million et les grands hebdomadaires régionaux voyaient le jour.
Aujourd’hui, malgré le recul de la presse écrite, de nouvelles formes de journaux persistent, comme la presse gratuite ou des magazines aux thématiques ciblées.
Terminons par une astuce toujours bien pratique… Savez-vous comment faire mûrir plus vite vos avocats ? En les enveloppant dans du papier journal !
Cécile Douay