L’Afrique, deuxième escale de notre tour des papiers matière du monde. Vous allez voir, cela sent le soleil et l’exotisme !
L’arrivée du papier en Afrique ne survient qu’après la bataille de Samarkand en 751 après J.C., date à laquelle les arabes s’emparent du secret de fabrication du papier. Parmi leurs prisonniers chinois, certains connaissaient ces techniques, qui vont alors se diffuser dans tout l’empire abbasside, permettant la diffusion du Coran, mais aussi d’ouvrages scientifiques et littéraires. Cette révolution du papier joue un rôle primordial dans le développement de l’âge d’or islamique.
Du papier bambou au papier en lin et en chanvre
A Samarkand, au carrefour des routes de la soie, et où les filatures de lin se sont installées, c’est cette matière première plus cellulosique qui va progressivement être introduite dans les processus de fabrication (à la place du bambou et du mûrier). Cette technique va ensuite se propager sur la route du papier et de la soie, sur le pourtour méditerranéen et jusqu’à Fès au Maroc.
Vers 794-795, on fabrique du papier à Bagdad, puis à Damas et à Tibériade vers 1046. La qualité du papier de Tripoli ou de Damas est alors considérée comme meilleure que le papier de Samarkand. Le papier arrive au Caire avant 1199, utilisé pour emballer les marchandises, et au Yémen au début du XIIIe siècle.
Plusieurs fabriques de papier s’installent aussi en Afrique du Nord : 104 usines avant 1106 à Fès et 400 meules à fabriquer du papier entre 1221 et 1240.
Le lin et le chanvre remplacent le mûrier, le bambou et la ramie, utilisés sous forme de vieux chiffons fermentés, ébouillantés et battus à l’aide de maillets pour libérer les fibres sous la forme d’une pâte humide.
Alors que la finesse et la transparence de la feuille ne sont pas les premières qualités recherchées, le beau papier arabe est ferme et souple. Contrairement aux papiers orientaux non arabes qui sont très fins, très clairs, voire translucides.
Cet essor du papier accompagne l’âge d’or islamique et donne naissance à une profonde révolution culturelle. Les connaissances sont répandues avec une nouvelle ampleur, une plus grande rapidité et pour un moindre coût. Des milliers d’œuvres sont désormais disponibles dans les grandes bibliothèques, comme dans les plus humbles madrasas et les plus petites mosquées.
De nos jours en Afrique, on fabrique du papier à base de tronc de bananier
Voici une innovation technique qui présente un intérêt particulier pour les pays producteurs de bananes, qui sont pour la plupart des pays en développement.
Généralement, une fois le régime de banane prélevé, le tronc du bananier est immédiatement coupé et laissé sur place, où il se décompose. Une martiniquaise a récemment démontré, à travers sa thèse de doctorat, la faisabilité technique de la transformation du tronc de bananier en pâte à papier. De quoi valoriser un déchet naturel !
S’appuyant sur le fait qu’il est possible d'extraire d'un tronc de bananier 70% de fibres nécessaires à la fabrication du papier, un projet de coopération avec le Japon a vu le jour au Gabon. Le projet s’appelle Banana paper.
L’objectif de ce projet est de créer de multiples petites unités de fabrication avec des plantations de bananiers, pouvant générer chacune une vingtaine d'emplois. L'autre objectif est de créer un atelier-pilote afin de réduire les importations de papier qui sont très importantes au Gabon.
La fibre du bananier, appelée également l'abaca, est en fait utilisée depuis le début du 20ème siècle pour la fabrication de papiers fins et solides. Grâce à son aspect fibreux et texturé, le papier en fibres de bananier se prête à des usages nécessitant de la solidité : sachets de thé et de café, dosettes à expresso, emballages dans l’alimentaire, le domaine médical et pour les fleurs, sacs pour aspirateurs, rubans d'attache, chemins et sets de table, papiers à cigarettes, billets de banque.
S’il n’est pas destiné à l'écriture, le papier banane est idéal pour toutes les activités de création : scrapbooking, décoration artisanale, cartes de vœux, papier à lettre, enveloppes personnalisées…
Ecologie, social et créativité : un cocktail gagnant pour Mille et Une Feuilles !
Cécile Douay
Rédactrice Web pour Mille et Une Feuilles
Crédit photo : l'économiste du Faso