Signification des couleurs : le Noir

Signification des couleurs : le Noir

Le noir est une couleur à double connotation : positive et négative.

Cette opposition était autrefois marquée dans la langue latine : "niger" désignait le "noir brillant" et "ater" était employé pour le noir mat et inquiétant. En Français, le premier est devenu notre "noir" et le deuxième a donné naissance à "atrabilaire", le caractère mélancolique et anxieux de la bile noire.

De nos jours, cette distinction a encore un sens aux yeux des noirs africains, pour qui une belle peau est une peau brillante, et surtout pas mate – car le mat représente l'enfer.

 

L'enfer, la mort, le deuil

Il est vrai que lorsque l'on entend "noir", cela évoque spontanément dans notre esprit le sombre, la mort, le deuil.

Le noir du deuil nous provient d'un double héritage. Celui des Romains, chez qui le vêtement du deuil était gris (de la couleur de la cendre). Et celui du christianisme qui requérait une couleur sombre pour le deuil (noir, mais aussi brun, violet ou bleu foncé), selon l'idée que le défunt redevient cendres en retournant à la terre. Quel contraste avec l'Asie, où, considérant que le défunt se transforme en un corps de lumière, la couleur du deuil est le blanc !

Le noir des ténèbres, c'est celui de la Bible, où il est la couleur des épreuves, des morts, du péché, de l'enfer et du monde souterrain. On retrouve ainsi le noir de ce qui est occulte et caché dans les expressions "marché noir", "travail au noir", "matière noire".

Pourtant, dans l'Egypte antique, le noir avait un symbolisme positif : le verbe "kem" (issu du mot "noir"), signifiait "mener à bien, s'élever à, accomplir, payer, compléter, servir à" et le mot "kem" voulait dire "complet, parfait, obligation, devoir".

"Humour noir", "liste noire"," mouton noir","bête noire" : voici le noir de la transgression et du rejet."Avoir des idées noires", "broyer du noir" : c'est le noir du désespoir, de la tristesse, de la mélancolie et du pessimisme. Un "roman noir", une "série noire", un "film noir" : voilà le côté dramatique et tragique du noir.

 

Du noir austère au noir chic

Décidément, la période de la Réforme fut d'une singulière influence sur l'utilisation des couleurs. Les couleurs qu'il était convenable de porter, évidemment, et qui le sont encore aujourd'hui…

Dès le XIVe siècle, les tons vifs furent bannis et le mouvement moraliste commanda aux teinturiers italiens la fabrication de "couleurs sages", dont faisait partie le noir. La loi de l'austérité et du sombre prédominait. En symbole de tempérance et d'humilité, les grands réformateurs, les religieux et les princes adoptèrent le noir pour se vêtir.

De cette mode sont nées nos tenues de gala actuelles, comme le smoking, ainsi que les objets de luxe noirs. A travers cet usage, le noir est signe d'élégance, de raffinement, de dignité, de noblesse et de sobriété.

 

Un noir "correct", celui de l'autorité et du sérieux

Dans la même lignée, ce noir noble et solennel est aussi la couleur de l'autorité, choisie pour la tenue des juges, des avocats, des arbitres, des policiers, des SS et la carrosserie des voitures des chefs d'Etat.

Associé au blanc, le noir est plus que jamais l'incarnation du sérieux. Savez-vous que dans les années 1920, les couleurs (dont le noir et le blanc ne faisaient pas partie) étaient considérées comme transgressives ? Et bien que la technique fut déjà au point, le cinéma en couleurs n'a pas pu voir le jour à l'époque pour cette raison ! En plus de la question du coût, il est vrai.

Toujours au nom de la morale, le protestant et puritain Henry Ford ne voulut produire des Ford T qu'en noir, alors que ses concurrents vendaient des voitures en couleur.

Et pourtant, et pourtant, le noir a bien su parfois retourner sa veste et verser dans la révolte, quand il fut emprunté par les pirates et par les anarchistes au XIXe siècle, pour en faire leur étendard.

 

Alors, lui jetterez-vous toujours un regard aussi noir … au noir ?